L’histoire des origines du Studio Ghibli

Les Origines du Studio Ghibli : La Naissance d’un Géant de l’Animation

Introduction

Le Studio Ghibli est aujourd’hui l’un des noms les plus respectés et admirés de l’animation mondiale. Son style unique, son engagement en faveur d’une animation traditionnelle et la qualité exceptionnelle de ses récits lui ont permis de marquer l’histoire du cinéma. Mais comment ce studio a-t-il vu le jour ? Quels événements et personnalités ont conduit à sa création ?

Dans cet article, nous explorerons en profondeur les origines du Studio Ghibli, en détaillant les influences de ses fondateurs, les premiers succès qui ont consolidé sa réputation, et son impact durable sur l’industrie du film d’animation. Nous plongerons dans l’histoire du cinéma d’animation japonais pour comprendre le contexte dans lequel le studio a émergé et comment il a su révolutionner l’animation au fil des décennies.

totoro et logo studio ghibli

Le Contexte Historique de l’Animation Japonaise

Avant la naissance du Studio Ghibli, le cinéma d’animation japonais était déjà en pleine expansion. Les années 1960 et 1970 voient l’apparition de nombreux studios d’animation influencés par les dessins animés occidentaux, mais aussi par les mangas qui commencent à se populariser sous leur forme animée. C’est dans ce contexte que se rencontrent les futurs fondateurs du Studio Ghibli.

L’Impact de Toei Animation

L’un des premiers grands studios d’animation japonais, Toei Animation, a joué un rôle crucial dans l’évolution du secteur. Créé en 1948, il ambitionnait de devenir le « Disney japonais ». C’est dans ce studio que Hayao Miyazaki et Isao Takahata débutent leur carrière.

Miyazaki, diplômé en sciences politiques et en économie, rejoint Toei en 1963 et travaille sur plusieurs productions avant de se démarquer avec Horus, prince du soleil (1968), un film réalisé par Takahata et sur lequel il a largement contribué. Ce projet marque le début d’une collaboration intense et d’une vision commune pour un nouveau type de films d’animation.

Takahata, quant à lui, possède une approche plus réaliste et émotionnelle de l’animation. Il cherche à raconter des histoires profondément humaines, ancrées dans des réalités sociales et historiques, ce qui contraste avec le style plus fantastique de Miyazaki.

Isao Takahata et Miyazaki
Isao Takahata et Hayao Miyazaki en 1980

La Collaboration de Miyazaki et Takahata

Après leur passage chez Toei, Miyazaki et Takahata travaillent ensemble sur plusieurs projets télévisés et cinématographiques. Parmi leurs projets marquants, on retrouve Heidi (1974), une série animée qui rencontre un immense succès au Japon et en Europe, ainsi que Conan, le fils du futur (1978), une œuvre visionnaire qui influencera fortement l’esthétique du futur Studio Ghibli.

Ces expériences leur permettent d’affiner leur vision artistique et d’expérimenter avec des styles de narration plus complexes. Mais c’est véritablement Nausicaä de la Vallée du Vent (1984) qui déclenche la création du Studio Ghibli.


Nausicaä de la Vallée du Vent : Le Film Déclencheur

Bien avant l’animation, Hayao Miyazaki s’intéresse profondément au manga, un médium qui lui permet d’expérimenter la narration et le dessin. En 1982, il commence à publier Nausicaä de la Vallée du Vent dans le magazine Animage, une œuvre ambitieuse qui rencontre un succès immédiat. Ce manga devient rapidement un projet de film, posant ainsi les fondations de Ghibli. L’influence du manga ne s’arrête pas là : les techniques de composition, le découpage des scènes et l’attention aux détails graphiques typiques du manga ont profondément marqué l’identité visuelle du studio.

Produit sous la bannière de Tokuma Shoten, Nausicaä de la Vallée du Vent est un immense succès au Japon. Inspiré du manga du même nom écrit et dessiné par Miyazaki, le film séduit par son animation soignée, son message écologique puissant et son héroïne inoubliable.

Ce succès convainc les producteurs et les créateurs qu’un studio dédié à cette vision artistique unique est nécessaire. C’est ainsi qu’en 1985, le Studio Ghibli est officiellement fondé par Hayao Miyazaki, Isao Takahata et le producteur Toshio Suzuki, avec le soutien de Tokuma Shoten.

Le succès du film Nausicaä de la Vallée du Vent (1984) ne suffit pas à assurer la viabilité du studio. C’est grâce au producteur Toshio Suzuki et au soutien de la maison d’édition Tokuma Shoten que Miyazaki et Takahata peuvent officiellement fonder Ghibli en 1985. Suzuki, ancien rédacteur en chef du magazine Animage, comprend l’immense potentiel de l’animation d’auteur et convainc Tokuma de financer le projet. Il met en place un modèle de production unique, misant sur la qualité artistique avant la rentabilité immédiate.

croquis nausicaa
Croquis de Nausicaä de la Vallée du Vent (1984)

La Création d’un Siège Permanent et l’Installation du Studio Ghibli à Koganei

À ses débuts, Ghibli ne possède pas de locaux fixes. Ce n’est qu’en 1985, peu après la sortie de Nausicaä de la Vallée du Vent, que le studio installe son siège à Koganei, en banlieue de Tokyo. Ce bâtiment devient rapidement un espace de création mythique, où sont produits certains des plus grands chefs-d’œuvre de l’animation. Cet environnement favorise un travail d’équipe étroit, essentiel à la vision artistique du studio.

bâtiment des Studio Ghibli à Koganei
Siège des Studio Ghibli à Koganei

L’Origine du Nom « Ghibli »

Le mot « Ghibli » provient de l’italien et désigne un vent chaud soufflant sur le désert du Sahara. Passionné d’aviation, Miyazaki choisit ce nom en référence aux avions italiens Caproni Ca.309 Ghibli. Il souhaite ainsi insuffler un vent de renouveau dans l’industrie de l’animation japonaise, en proposant des œuvres plus ambitieuses, tant sur le plan visuel que narratif.

L’Origine du Style Visuel de Ghibli

Le style graphique de Ghibli repose sur des traits doux, des décors minutieusement détaillés et une animation fluide. Influencé par le cinéma européen et l’illustration japonaise traditionnelle, Miyazaki développe une esthétique qui privilégie la beauté naturelle et la chaleur des couleurs. Cette approche unique se distingue des styles plus anguleux de l’animation japonaise typique des années 80.

style pastel ponyo sur la falaise

Les Machines Volantes et l’Influence de l’Aviation sur l’Esthétique de Ghibli

Fils d’un ingénieur travaillant dans l’industrie aéronautique, Miyazaki développe dès son enfance une fascination pour les avions et les machines volantes. Cette passion transparaît dans presque tous ses films : des vaisseaux flottants de Laputa aux chasseurs aériens de Porco Rosso (1992). Cette obsession pour le vol symbolise à la fois la liberté et l’innovation, des thèmes centraux dans l’œuvre de Ghibli.

avion porco rosso

Les Premières Influences de Miyazaki et Takahata

Avant de fonder le Studio Ghibli, Hayao Miyazaki et Isao Takahata ont été profondément influencés par divers courants artistiques et expériences personnelles.

Les événements historiques : Takahata, témoin des ravages de la Seconde Guerre mondiale, a intégré dans ses films une forte conscience sociale et pacifiste.

Les films d’animation occidentaux : Des œuvres comme Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) et Le Roi et l’Oiseau (1952) ont marqué Miyazaki par leur fluidité et leur approche narrative.

Les mangas et la littérature japonaise : Le travail d’Osamu Tezuka et la richesse des romans historiques et fantastiques japonais ont nourri leur imaginaire.


De la Télévision au Cinéma : Un Tournant Déterminant

Avant Ghibli, Miyazaki et Takahata travaillent principalement pour la télévision (Heidi, Conan, le fils du futur). La transition vers le cinéma représente un défi majeur, nécessitant des budgets et des durées de production bien plus élevés. Grâce à l’expérience acquise chez Toei et Nippon Animation, ils parviennent à adapter leur savoir-faire à des formats longs, révolutionnant ainsi l’animation japonaise.

Les Premiers Succès du Studio

Dès sa fondation, le studio se lance dans la production de films ambitieux. Le premier, Laputa : Le Château dans le Ciel (1986), pose les bases de l’esthétique et des thèmes chers à Miyazaki : aventures épiques, machines volantes et critiques sociétales.

Malgré un premier film acclamé (Laputa : Le Château dans le Ciel, 1986), Ghibli peine à s’imposer sur le marché japonais. Ce n’est qu’en 1988, avec la sortie conjointe de Mon voisin Totoro et Le Tombeau des Lucioles, que le studio trouve un véritable écho auprès du public. Pourtant, ces films ne rencontrent pas un succès financier immédiat. C’est grâce aux produits dérivés de Totoro et au bouche-à-oreille que Ghibli parvient à surmonter ces premières difficultés.

  • Mon voisin Totoro devient un phénomène culturel au Japon, et Totoro, la créature emblématique du film, devient même le logo du studio. Ce film représente une vision plus douce et enfantine du monde, contrastant avec les thèmes plus sombres d’autres œuvres du studio.
  • Le Tombeau des lucioles, réalisé par Takahata, est une œuvre poignante sur la guerre et ses conséquences, qui montre une facette plus dramatique du travail du studio.
totoro croquis

Un Studio à Contre-Courant : Le Refus des Tendances Commerciales

Alors que les années 80 et 90 voient l’essor des franchises animées et des produits dérivés lucratifs (comme Dragon Ball et Pokémon), Ghibli refuse de s’engager dans une logique purement commerciale. Le studio privilégie des récits profonds et originaux, même au détriment du succès immédiat. Cette approche artistique, bien que risquée, finit par porter ses fruits en différenciant Ghibli du reste de l’industrie.

Le Refus des Suites et des Remakes

À l’opposé d’Hollywood, qui capitalise sur les franchises, Ghibli refuse systématiquement de produire des suites. Miyazaki a toujours défendu l’idée que chaque histoire devait être unique et se suffire à elle-même. Ce choix artistique renforce l’authenticité des films du studio.

La Création d’un Système de Production Unique

Contrairement à la plupart des studios japonais qui sous-traitent massivement l’animation à l’étranger, Ghibli choisit de tout produire en interne. Cette décision permet d’assurer une cohérence artistique exceptionnelle, mais entraîne des coûts élevés. Miyazaki instaure une méthode de travail inspirée des studios Disney des années 1930-1940, privilégiant le dessin à la main et une attention minutieuse aux détails. Cette philosophie artisanale deviendra l’une des marques de fabrique du studio.

équipe studio ghibli
Toute l’équipe du Studio Ghibli derrière « Mon voisin Totoro » 1988

Expansion et Reconnaissance Internationale

Les années 1990 marquent une nouvelle phase d’expansion pour Ghibli avec des succès tels que Kiki la petite sorcière (1989) et Porco Rosso (1992). Mais c’est surtout avec Princesse Mononoké (1997) que le studio franchit un cap.

En 2001, Le Voyage de Chihiro réalise l’exploit de remporter l’Oscar du meilleur film d’animation, devenant une référence incontournable du cinéma mondial.

aquarelle kiki

La Collaboration avec Joe Hisaishi et l’Importance de la Musique

La musique joue un rôle essentiel dans l’émotion et l’ambiance des films Ghibli. La rencontre entre Hayao Miyazaki et Joe Hisaishi en 1983 est déterminante. Dès Nausicaä de la Vallée du Vent, Hisaishi développe un style musical riche en orchestrations et en mélodies inoubliables. Son travail sur Princesse Mononoké (1997) et Le Voyage de Chihiro (2001) confirmera son importance dans l’identité sonore du studio. Cette collaboration longue de plusieurs décennies est aujourd’hui considérée comme l’une des plus marquantes du cinéma d’animation.

concert joe hisaishi le vent se lève
Concert de Joe Hisaishi

Les Figures Féminines Fortes et la Révolution du Rôle des Héroïnes

Contrairement aux standards de l’époque, Ghibli met en avant des héroïnes fortes et indépendantes. Que ce soit Nausicaä, San (Princesse Mononoké) ou Chihiro (Le Voyage de Chihiro), les protagonistes féminines de Miyazaki sont loin des clichés traditionnels. Cette approche novatrice influence profondément le monde de l’animation, offrant des modèles inspirants aux jeunes générations.

L’Absence de Véritables Méchants dans l’Univers Ghibli

Une des caractéristiques marquantes du studio est l’absence de méchants caricaturaux. Contrairement aux films Disney qui opposent souvent un héros à un antagoniste maléfique, Ghibli préfère nuancer ses personnages. Lady Eboshi (Princesse Mononoké), Yubaba (Le Voyage de Chihiro) ou même le Sans-Visage ne sont pas foncièrement mauvais, mais des figures complexes avec leurs propres motivations.

Héritage et Influence

Depuis ses débuts, le Studio Ghibli a influencé des générations de créateurs et cinéphiles à travers le monde. Son engagement pour l’animation traditionnelle et ses histoires riches en émotion font aujourd’hui de Ghibli une référence incontournable.

Avec des chefs-d’œuvre comme Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro et Le Vent se lève, Ghibli continue de faire rêver petits et grands, tout en restant fidèle à ses valeurs d’origine.

Gorō Miyazaki : L’Héritier d’un Géant

Le fils de Hayao Miyazaki, Gorō Miyazaki, a suivi un parcours atypique avant de rejoindre l’univers du Studio Ghibli.

  • Un début inattendu : Initialement paysagiste, Gorō Miyazaki n’avait pas l’intention de travailler dans l’animation. Cependant, son implication dans la conception du Musée Ghibli l’a progressivement rapproché du studio.
  • Son premier film controversé : En 2006, il réalise Les Contes de Terremer, une adaptation de l’œuvre d’Ursula K. Le Guin. Le film divise le public et la critique, notamment parce qu’il ne possède pas la finesse narrative des films de son père. Hayao Miyazaki lui-même exprime des réserves sur le travail de son fils.
  • Une évolution progressive : Malgré ce départ difficile, Gorō Miyazaki réalise en 2011 La Colline aux Coquelicots, un drame touchant sur la jeunesse japonaise des années 1960. Ce film, bien reçu, marque une maturation dans son style et une meilleure acceptation par le public.
Gorō Miyazaki
Gorō Miyazaki devant son bureau

Aya et la Sorcière : Une Expérimentation Audacieuse

Avec Aya et la Sorcière (2020), le Studio Ghibli se lance pour la première fois dans l’animation entièrement en CGI.

  • Un pari risqué : Contrairement aux productions traditionnelles du studio, ce film est conçu en animation 3D, ce qui suscite un accueil mitigé de la part des fans.
  • Une adaptation d’un roman : Le film est basé sur Earwig and the Witch de Diana Wynne Jones, autrice de Le Château ambulant, dont Ghibli avait déjà adapté une œuvre.
  • Un projet signé Gorō Miyazaki : C’est sous la direction de Gorō Miyazaki que le projet voit le jour. Il explique avoir voulu expérimenter avec de nouvelles technologies tout en conservant l’essence des récits Ghibli.
  • Un accueil tiède : Malgré une histoire fidèle aux thèmes du studio, le film souffre d’une critique mitigée, notamment en raison de son animation en CGI jugée rigide et moins chaleureuse que les dessins traditionnels.
Aya et la Sorcière
Aya et la Sorcière

Conclusion

Le Studio Ghibli est bien plus qu’un simple studio d’animation : c’est un univers à part entière, une ode à la créativité et un héritage culturel unique. En étudiant ses origines, on comprend mieux pourquoi il continue de fasciner et d’inspirer tant de spectateurs à travers le monde.

Aujourd’hui encore, avec la sortie de nouveaux films et la préservation de ses œuvres passées, le Studio Ghibli reste un acteur incontournable du cinéma d’animation, porté par la vision de ses fondateurs et l’amour du public.